Aucune méthode de design d’expérience n’est parfaite, pourtant elles sont plus que jamais nécessaires, et pas seulement pour les designer.euse.s.
Le design thinking ne fonctionne pas. Le double diamant est dépassé. Il ne faut plus parler de User Experience, mais de customer experience ou encore de human experience. Depuis plusieurs années, des articles, qui expliquent pourquoi les méthodes de design d’expérience ne fonctionnent pas et doivent être repensées, sont régulièrement publiés.
Ces critiques sont pertinentes et intéressantes. Elles invitent à la remise en question. Elles nous obligent à rester critiques vis-à-vis de notre façon de faire, ce qui est essentiel pour éviter de tomber dans une routine mécanique contre-productive. D’ailleurs, la critique sur l’approche fonctionnelle du design thinking, parfois au détriment de l’aspect émotionnel, est un sujet de discussion récurrent au sein de superhuit.
Cependant, aussi passionnées et passionnantes ces conversations soient-elles, elles ne prennent que rarement en compte un point crucial quand il est question du design d’expérience : l’implication des personnes de l’entreprise qui ne font pas partie de l’équipe design, et de l’impact que le processus design peut avoir sur elles.
Ces méthodes sont peut-être imparfaites, mais ne pas les mettre en place, c’est passer à côté d’un outil qui bénéficie à la fois au service/produit et à l’ensemble de l’entreprise.
Les méthodes UX n’ont pas seulement un impact sur le produit ou le service final, elles ont aussi un impact sur les personnes qui y participent. Ces méthodes sont peut-être imparfaites, mais ne pas les mettre en place, c’est passer à côté d’un outil qui bénéficie à la fois au service/produit et à l’ensemble de l’entreprise.
L’expérience utilisateur.rice, un effort collectif
Pour offrir un service/produit exceptionnel, et pas juste qui fonctionne, il faut que chaque personne de l’entreprise, indépendamment de son niveau hiérarchique et de son rôle, soit consciente de l’expérience utilisateur.rice et ait pour objectif de l’améliorer.
Dans les faits, la majorité des entreprises ne sont pas à ce niveau de maturité design. La plupart des personnes et des équipes ne pensent pas à l’expérience utilisateur.rice de leur produit ou de leur service au quotidien. Elles sont prises dans leur routine, dans leurs tâches et dans l’accomplissement de leurs objectifs.
C’est là que les méthodes de design de l’expérience utilisateur.rice interviennent. La plupart de ces méthodes nécessitent l’intégration des différents métiers dans le processus. Elle représente une occasion de briser les silos et de promouvoir les échanges et la collaboration entre les individus, autour d’un objectif commun et d’une même vision.
Le grand voyage du processus UX
Même si certains experts veulent vous faire croire le contraire, le design thinking (ou UX design) n’est pas une science exacte. Peu importe la méthode que vous décidez d’utiliser.
Certains services échouent malgré un investissement massif dans des équipes design et de recherche (je vous invite à jeter un coup d'œil au cimetière de Google). À l’opposé, d’autres services se lancent sur une intuition et rencontrent le succès. Au final, même si les processus design, recherche comprise, aident à minimiser les risques d’échecs, ils ne sont pas infaillibles. Ce ne sont pas des formules magiques.
Par contre, au cours du processus, les personnes impliquées se seront alignées sur une vision commune et auront déjà exploré différentes solutions, possibilités et opportunités. Elles auront également développé une sensibilité et une empathie vis-à-vis des utilisateur.rice.s. Peut-être auront-elles même acquis une connaissance transversale de leurs services/produits au contact des autres métiers.
Plusieurs difficultés potentielles se dressent en travers de cette belle vision :
1 - La taille de l’entreprise
Au-delà d’un certain nombre de collaborateur.rice.s, il devient difficile d’impliquer directement chaque personne. Voici quelques idées pour inviter le plus grand nombre à participer au processus design :
- Présentation régulière du travail design à l’ensemble de l’entreprise, en personne et en remote, en direct et en asynchrone, avec la possibilité de poser des questions et de suggérer des idées
- Création d’un programme de bêta-testeur.euse.s internes avec une boucle de feedbacks
- Envoi de sondages, de questionnaires et de tests utilisateur.rices.s remote à l’ensemble des employé.e.s
- Organisation de sessions ouvertes pour échanger sur des idées potentielles lors des phases de Discovery ou d’idéation
2. Les décideur.euse.s
Disons les choses comme elles sont : pour que l’implémentation de n’importe quelle méthode UX en collaboration avec l’ensemble des collaborateur.rice.s d’une entreprise fonctionne, il faut avoir l’aval d’au moins une personne du top management, si ce n’est plus. Plus simple à écrire qu’à faire. Heureusement, les mentalités changent et évoluent. C’est quelque chose que nous voyons au quotidien avec nos clients.
Faire bouger les lignes dans une entreprise est un travail de longue haleine. Néanmoins, la mise en place d’une approche collaborative autour du design peut faire partie de la réponse à plusieurs challenges auxquels sont confrontées les entreprises.
Un effort collectif, un impact individuel
La participation des collaborateur.rice.s dans un processus design permet de :
- les impliquer dans un processus créatif collectif
- récupérer leurs retours, souvent précieux, sur le produit / service de l’entreprise
- les sortir de leur routine
- envisager ce qu’il y a de mieux du point de vue de l’utilisateur.rice
Cette approche ne fait pas tout dans une entreprise. D’autres facteurs entrent en jeu. Cependant, cela peut participer à instaurer une culture d’entreprise centrée sur l’intelligence collective, la créativité et l’échange.
Un vecteur de créativité
Sans méthodes UX, imparfaites certes, il n’y aurait pas de véhicule pour donner vie à cette vision, aussi optimiste soit-elle. La pratique de l’UX est définitivement un formidable outil collectif. Après, chaque équipe design est libre d’utiliser la méthodologie qu’elle juge la plus pertinente, du moment qu’elle permet à un maximum de personnes de participer aux réflexions.
À prendre en compte aussi : la méthodologie choisie devra toujours être adaptée à la réalité de l’entreprise. Elle ne sera pas mise en place exactement de la même façon dans une PME de 15 personnes que dans une multinationale. Ce ne sera pas non plus la même expérience si le processus est mené par une équipe interne ou par un prestataire externe. Finalement, la théorie de l’application est moins importante que l’application elle-même.
L’heure du jugement
Une équipe design sera toujours jugée sur le résultat final, mais le processus est tout aussi important, non pas pour le processus en lui-même, mais de par l’impact qu’il aura sur les autres collaborateur.rice.s de l’entreprise.
Il pourrait être argumenté que l’organisation de l’entreprise et le bien-être sur le lieu de travail ne sont pas de la responsabilité des designer.euse.s. C’est vrai, mais l’équipe design, le produit/service et l’expérience utilisateur.rice ont tout à gagner de de l’implication des collaborateur.rice.s.
Pour finir, ami.e.s designer.euse.s, soyez rassuré.e.s, il y aura toujours des discussions et des débats sur les différentes méthodes. Il faut bien continuer à remplir Medium, à organiser des Meet up et à trouver des raisons de ne pas être d’accord autour d’un apéro. D’ailleurs, si vous souhaitez partager votre désaccord avec moi, n’hésitez pas à m’envoyer un email : raphael@superhuit.ch.
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Référence d’articles critiques
Design is not a formula, it’s an odyssey: replacing the Double Diamond | by Ryan Ford | Oct, 2022 | UX Collective
Design Thinking Is Fundamentally Conservative and Preserves the Status Quo
Design Thinking Is B.S.